Calcul urétéral : quand l’échographie et le scanner décident si la pierre va passer seule
← Échographie montrant un calcul urétéral
Le calcul urétéral est l’un des motifs les plus fréquents de consultation en urologie. Colique néphrétique, douleur aiguë, urgences débordées… et la même question qui revient : « Docteur, est-ce que ce calcul urétéral va sortir tout seul… ou faut-il intervenir ? »
Jusqu’ici, la décision reposait surtout sur la taille et la localisation du calcul urétéral, associées à l’état clinique du patient, d’après les recommandations EAU pour la prise en charge des lithiases. En décembre 2025, une équipe chinoise a publié dans BMC Urology un modèle prédictif combinant échographie urinaire et scanner non injecté (CT) pour estimer la probabilité de passage spontané du calcul urétéral.
Objectif :
mieux sélectionner les patients éligibles au traitement conservateur,
éviter des interventions invasives inutiles,
tout en sécurisant la prise en charge du calcul urétéral.
Calcul urétéral : un problème fréquent, souvent sur-traité
La lithiase urinaire est en hausse dans le monde, et le calcul urétéral représente environ 20 % des lithiases observées.
Les données des recommandations internationales montrent que :
un calcul urétéral ≤ 6 mm a souvent une chance élevée de passage spontané,
la localisation distale facilite l’expulsion,
mais l’incertitude clinique pousse parfois à intervenir “pour être sûr”, avec urétéroscopie, lithotripsie, stent, etc.
Résultat :
certains patients subissent un geste dont leur calcul urétéral se serait probablement passé,
d’autres, au contraire, sont laissés en traitement conservateur trop longtemps alors que le calcul urétéral ne passera pas, avec risque de douleur prolongée, infection, voire altération rénale.
D’où l’intérêt d’un outil plus fin, centré sur le calcul urétéral, pour prédire son comportement.
Une étude de décembre 2025 qui change la donne
L’étude de Xu et al., publiée le 16 décembre 2025 dans BMC Urology, a inclus 303 patients présentant :
un calcul urétéral unique, unilatéral,
de ≤ 10 mm,
pris en charge de façon conservative pendant un mois,
avec confirmation du passage ou non du calcul urétéral par CT.
Tous les patients avaient :
une échographie urinaire,
un scanner non injecté (NCCT),
avant la décision de traitement conservateur du calcul urétéral.
Résultats principaux :
191 patients (63 %) ont vu leur calcul urétéral passer spontanément,
112 (37 %) n’ont pas expulsé leur calcul urétéral et ont nécessité une intervention ou un traitement alternatif.
Les auteurs ont construit un modèle multivarié combinant clinique, paramètres CT et paramètres échographiques pour prédire le passage spontané du calcul urétéral.
Quels paramètres prédissent le passage spontané du calcul urétéral ?
Les facteurs associés à un passage spontané du calcul urétéral étaient :
Sur le CT (NCCT) :
Localisation :
un calcul urétéral moyen ou distal avait plus de chances de passer spontanément
qu’un calcul urétéral proximal (urètre supérieur).
Taille :
plus le diamètre transversal du calcul urétéral est petit,
plus la probabilité de passage augmente.
Sur l’échographie urinaire :
Trois paramètres dynamiques, souvent négligés en pratique, se sont révélés prédictifs du passage du calcul urétéral :
Épaisseur de la paroi urétérale (UWT)
une paroi plus fine autour du calcul urétéral = meilleure chance de passage.
Fréquence du jet urétéral (UJF) côté du calcul urétéral
des jets plus fréquents indiquent une meilleure dynamique de flux.
Vitesse du jet urétéral du côté du calcul urétéral
un jet plus rapide est associé à une expulsion plus fréquente.
En combinant ces variables dans un même modèle, les auteurs ont obtenu :
AUC = 0,829 (excellent pouvoir discriminant) pour prédire le passage ou non du calcul urétéral,
meilleure performance que les modèles basés uniquement sur le CT (AUC 0,694) ou uniquement sur l’échographie (AUC 0,774).
Autrement dit : regarder seulement la taille du calcul urétéral sur le scanner ne suffit plus ; c’est l’intégration CT + écho qui fait la différence.
Pourquoi ce modèle est important pour l’urologue
Pour un urologue en pratique quotidienne, la question n’est pas seulement “y a-t-il un calcul urétéral ?”, mais :
“Dois-je laisser ce calcul urétéral une chance de passer seul, ou intervenir maintenant ?”
Ce nouveau modèle apporte plusieurs bénéfices potentiels :
Stratifier le risque de chaque calcul urétéral
calcul urétéral distal, petit, paroi fine, jets fréquents et rapides :
très bonne probabilité de passage → traitement conservateur + suivi rapproché.
calcul urétéral proximal, large, paroi épaissie, jets rares :
faible probabilité de passage → discussion d’une intervention plus précoce.
Réduire les interventions inutiles
moins d’urétéroscopies et de lithotripsies pour des calculs urétéraux qui auraient passé spontanément.
Éviter les retards dangereux
à l’inverse, repérer les calculs urétéraux qui ont très peu de chance de passer,
et ne pas prolonger un traitement conservateur voué à l’échec.
Améliorer l’information au patient
pouvoir dire :
“Votre calcul urétéral a un profil très favorable / défavorable selon l’échographie et le scanner, voilà ce que cela implique.”
Les recommandations EAU soulignent déjà l’importance de la taille, de la localisation et d’une approche individualisée pour la prise en charge du calcul urétéral ; ce travail ajoute une couche d’imagerie fonctionnelle échographique au classique CT.
Et au Maroc, concrètement ?
Pour un calcul urétéral au Maroc, ce type de modèle est particulièrement intéressant car :
l’échographie urinaire est largement disponible,
le CT non injecté est de plus en plus accessible dans les grands centres,
beaucoup de patients préfèrent éviter une intervention si le calcul urétéral peut passer naturellement,
mais le risque de complications (infection, insuffisance rénale aiguë) impose de ne pas “laisser traîner” un calcul urétéral qui ne passera pas.
À terme, on peut imaginer :
des nomogrammes ou calculateurs de risque intégrant les paramètres de CT + écho pour chaque calcul urétéral,
une meilleure standardisation des comptes-rendus d’échographie (paroi, jets) pour les coliques néphrétiques,
une décision plus fine en RCP ou en consultation d’urologie pour chaque calcul urétéral.
Conclusion : Ce que doivent retenir les patients
Pour les patient·e·s qui consultent pour un calcul urétéral :
Oui, un calcul urétéral de petite taille peut souvent passer spontanément.
Non, tous les calculs urétéraux ne se comportent pas de la même façon.
Les nouvelles recherches montrent que l’on peut mieux prédire si un calcul urétéral va passer seul en combinant :
scanner non injecté,
et échographie avec mesure fine des jets urétéraux et de la paroi.
Cet article est informatif et ne remplace pas une consultation médicale.
Toute décision concernant un calcul urétéral (attendre, traiter, opérer) doit être prise avec un urologue, en fonction de :
vos douleurs,
votre état général,
la taille et la localisation du calcul urétéral,
les résultats de l’imagerie.

