Vésicules extracellulaires en urologie : demain, des “nano messagers” pour traquer les cancers ?

Ce que chaque Marocain doit savoir !

Les cancers urologiques (vessie, prostate, rein, voies excrétrices, testicule) sont en pleine révolution diagnostique. À côté de l’imagerie et de la cystoscopie, un nouvel acteur s’impose peu à peu : les vésicules extracellulaires, parfois appelées exosomes ou EVs.

Ces minuscules “bulles” libérées par les cellules – y compris les cellules cancéreuses – transportent de l’ADN, de l’ARN et des protéines. Elles circulent dans le sang, les urines, la salive… et peuvent être analysées comme une biopsie liquide.

En urologie, les vésicules extracellulaires sont en train de devenir à la fois :

  • des marqueurs de détection précoce des cancers,

  • des indicateurs de récidive ou de progression,

  • et, à plus long terme, des vecteurs potentiels de traitements ciblés.

Vésicules extracellulaires : de quoi parle-t-on exactement ?

Les vésicules extracellulaires (EVs) sont de petites vésicules entourées d’une membrane, libérées par presque tous les types de cellules. On les retrouve dans de nombreux liquides biologiques : sang, urine, liquide céphalorachidien, etc. Elles contiennent :

  • de l’ADN et de l’ARN,

  • des protéines,

  • des lipides,

  • et parfois des sucres complexes (glycanes).

Un article de synthèse publié en décembre 2025 dans Frontiers in Bioengineering and Biotechnology s’est justement intéressé aux vésicules extracellulaires dérivées de tumeurs (TDEVs) dans les cancers génito-urinaires. Il décrit leur rôle dans :

  • la communication entre cellules tumorales et cellules de l’immunité,

  • la progression du cancer (invasion, métastases),

  • et leur potentiel comme biomarqueurs et vecteurs thérapeutiques.

En résumé : en urologie, les vésicules extracellulaires sont à la fois le langage secret des tumeurs… et peut-être, demain, le canal par lequel on enverra les médicaments.

Cancer de la vessie : Des vésicules extracellulaires dans les urines pour mieux diagnostiquer

Pour le cancer de la vessie, l’urine est un terrain de jeu idéal : elle est en contact direct avec la muqueuse vésicale et les tumeurs.

Une étude publiée en 2025 dans Nature Communications a suivi 333 personnes et analysé de manière très fine les N-glycanes présents à la surface des vésicules extracellulaires urinaires. Les auteurs ont :

  • dressé une “carte” détaillée des glycanes dans les EV urinaires,

  • identifié 8 marqueurs glycanes capables de distinguer les patients avec cancer de la vessie des sujets sains et d’autres pathologies urologiques,

  • développé un modèle diagnostique avec une aire sous la courbe (AUC) de 0,88 et 0,86 dans deux cohortes de validation indépendantes.

Concrètement, cela signifie qu’un simple test urinaire basé sur les vésicules extracellulaires pourrait, à terme :

  • aider à dépister plus tôt le cancer de la vessie,

  • compléter ou, dans certains cas, espacer les cystoscopies,

  • mieux faire la différence entre cancer et pathologies bénignes qui donnent aussi de l’hématurie.

Une autre revue publiée fin 2025 s’est concentrée sur l’application clinique des vésicules extracellulaires urinaires dans le carcinome urothélial, confirmant leur potentiel diagnostique et pronostique, tout en rappelant que nous sommes encore au stade précoce de la translation clinique.

Cancer du rein : quand une vésicule extracellulaire “boostée” au C3 favorise les métastases

Côté cancer du rein, les vésicules extracellulaires ne sont pas seulement des marqueurs : elles peuvent aussi favoriser la dissémination tumorale.

En janvier 2025, une équipe chinoise a publié dans PNAS un travail montrant que le complément C3 transporté par des vésicules extracellulaires dérivées d’un carcinome rénal (RCC) favorise les métastases pulmonaires :

  • les vésicules riches en C3 sont captées par les macrophages pulmonaires,

  • ces macrophages sécrètent alors des chimiokines (CCL2, CXCL1),

  • ce qui recrute des cellules myéloïdes immunosuppressives et crée un microenvironnement favorable aux métastases.

Point intéressant : en bloquant les axes CCL2/CCR2 ou CXCL1/CXCR2 avec des inhibiteurs (RS504393, Navarixin), les chercheurs réduisent les métastases pulmonaires dans des modèles murins.

Ce n’est pas encore une thérapie disponible en clinique, mais cela montre que, dans le futur, on pourra peut-être :

  • cibler spécifiquement certaines vésicules extracellulaires,

  • ou bloquer leurs “messages pro-métastatiques” pour freiner la propagation du cancer du rein.

Des revues récentes sur les vésicules extracellulaires dans le carcinome rénal confirment que ces EVs peuvent être utilisés comme :

  • biomarqueurs urinaires (diagnostic, pronostic),

  • et nouveaux outils thérapeutiques dans les approches de nanomédecine.

Prostate, vessie, rein : les vésicules extracellulaires au cœur de la “liquid biopsy” urologique

Au-delà d’un organe isolé, plusieurs revues récentes (2024–2025) font le point sur la biopsie liquide appliquée aux cancers génito-urinaires. Elles montrent que les vésicules extracellulaires :

  • sont présentes en grand nombre dans le sang et les urines,

  • portent des signatures moléculaires spécifiques (ADN tumoral, miARN, protéines),

  • permettent de suivre l’évolution de la tumeur dans le temps sans repasser par une biopsie tissulaire.

En urologie, les applications les plus avancées concernent :

  • le cancer de la prostate :

    • signatures de vésicules extracellulaires associées au grade tumoral, à la présence de métastases et au pronostic ;

  • le cancer de la vessie :

    • tests urinaires basés sur les EVs (protéomique, glycomique, ARN) avec de bons niveaux de sensibilité et de spécificité ;

  • le cancer du rein :

    • EV urinaires contenant des ARN et protéines spécifiques, en cours d’évaluation comme biomarqueurs non invasifs.

Pour l’instant, la majorité de ces approches restent au stade recherche ou validation clinique avancée, mais la direction est claire :
👉 les vésicules extracellulaires en urologie deviennent un pilier de la médecine de précision.

Et demain : des vésicules extracellulaires transformées en traitements ciblés ?

Au-delà du diagnostic, plusieurs équipes s’intéressent à l’idée de transformer les vésicules extracellulaires en véritables “nanotaxis thérapeutiques” :

  • en les chargeant avec des médicaments classiques,

  • avec des ARN interférents (siRNA, miRNA),

  • voire avec des outils de thérapie génique (par exemple CRISPR),
    afin de délivrer le traitement directement au cœur des tumeurs génito-urinaires.

Une revue publiée en décembre 2025 dans Biomedicine & Pharmacotherapy décrit les vésicules extracellulaires dérivées de tumeurs comme des plateformes de “theranostique” (diagnostic + thérapie) de nouvelle génération, capable à la fois de :

  • signaler la présence de la tumeur,

  • transporter une charge thérapeutique ciblée,

  • et moduler le microenvironnement tumoral.

Nous n’en sommes pas encore à une utilisation de routine en urologie, mais les cancers de la prostate, de la vessie et du rein font clairement partie des indications visées à moyen terme.

Qu’est-ce que cela change pour l’urologue… et pour le patient ?

Pour les urologues et onco-urologues, l’essor des vésicules extracellulaires en urologie va probablement entraîner :

  1. Plus de biologie, moins d’actes invasifs “automatiques”

    • Intégration progressive de tests sanguins et urinaires basés sur les EVs dans le suivi des cancers (détection de récidive, MRD, réponse au traitement).

    • Possibilité, à terme, d’espacer certaines cystoscopies ou biopsies chez les patients à faible risque.

  2. Un rôle accru en RCP de précision

    • Discussion des résultats de biopsie liquide EV avec oncologues, biologistes et radiologues.

    • Ajustement des traitements en fonction de la signature moléculaire (et pas uniquement des images ou de l’histologie initiale).

  3. Participation à des essais cliniques de nanomédecine

    • Pour certains centres, implication dans des essais utilisant les vésicules extracellulaires comme vecteurs thérapeutiques (notamment en cancer du rein et de la vessie).

Pour les patients, le message est double :

  • Les cancers urologiques restent sérieux et nécessitent un suivi au long cours.

  • Mais la recherche avance vite : à côté de l’imagerie et de la chirurgie, des outils comme les vésicules extracellulaires ouvrent la voie à des diagnostics plus précoces, des surveillances moins invasives et, demain, des traitements plus ciblés.

Conclusion

Les vésicules extracellulaires en urologie sont en train de passer :

  • du laboratoire (où l’on découvrait leur rôle dans la communication tumorale),

  • au lit du patient, via des tests urinaires et sanguins de plus en plus sophistiqués,

  • et peut-être, demain, au bloc thérapeutique, en tant que nouveaux vecteurs de médicaments.

Ce n’est pas encore le standard de soins, mais pour les urologues comme pour les patients, une chose est sûre :

on commence à utiliser les “messages secrets” des cellules tumorales… pour mieux les repérer, les comprendre et, à terme, les faire taire.

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