Anktiva + BCG : la première immunothérapie approuvée en Europe pour le cancer de la vessie non invasif

Ce que chaque Marocain doit savoir !

Le cancer de la vessie reste l’un des grands “oubliés” de l’oncologie, alors qu’il figure au 5ᵉ rang des cancers les plus fréquents et touche majoritairement les hommes. Environ 75 % des nouveaux diagnostics sont des formes non muscle-invasives (NMIBC), limitées à la muqueuse vésicale. Le traitement de référence repose depuis des décennies sur la résection endoscopique complétée par l’instillation intravésicale de BCG. Pourtant, une proportion non négligeable de patients reste BCG-réfractaire ou rechute rapidement, avec jusqu’ici une option radicale : la cystectomie. Les urologues attendaient donc une alternative conservatrice crédible pour ce type de cancer de la vessie. Le 12 décembre 2025, l’Agence européenne du médicament (EMA) a recommandé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle pour Anktiva® (nogapendekin alfa inbakicept) en association au BCG chez les adultes présentant un cancer de la vessie non invasif avec carcinome in situ (CIS) non répondant au BCG. Une première en Europe.

Cancer de la vessie non invasif : quand le BCG ne suffit plus

Dans le cancer de la vessie non invasif, la tumeur reste confinée à l’urothélium (Ta, T1, CIS). Les recommandations de l’EAU insistent sur la stratification du risque et la place centrale du BCG pour les formes à risque intermédiaire ou élevé. Mais environ 30–40 % des patients à haut risque finissent par présenter une maladie BCG-unresponsive (non répondante ou rapidement récidivante), situation associée à un risque accru de progression vers un cancer de la vessie muscle-invasif. Jusqu’à récemment, ces patients n’avaient aucun traitement intravésical approuvé en Europe : la stratégie recommandée était la cystectomie précoce, lourde et non toujours réalisable chez des patients fragiles. D’où l’intérêt majeur d’une nouvelle approche qui renforce la réponse immunitaire locale sans sacrifier la vessie.

Anktiva : une immunothérapie intravésicale qui “booste” le BCG

Anktiva est un agoniste du récepteur de l’interleukine-15 (IL-15). Il vise à activer les cellules NK, les lymphocytes T et les cellules T mémoire, afin d’amplifier et de prolonger la réponse immunitaire déjà induite par le BCG dans la paroi vésicale. Concrètement, le médicament est instillé directement dans la vessie, mélangé au BCG, selon un schéma d’induction puis de maintenance intravésicale. L’objectif : transformer un BCG devenu insuffisant en une combinaison “BCG + IL-15” capable de faire disparaître le CIS tout en limitant le recours à la cystectomie.

Essai QUILT-3.032 : 71 % de réponses complètes et des effets durables

La décision de l’EMA s’appuie sur l’étude QUILT-3.032, essai de phase 2/3, ouvert, monocentrique, incluant 100 adultes atteints de cancer de la vessie non invasif BCG-unresponsive avec CIS avec ou sans tumeur papillaire Ta/T1.

Les résultats clés :

  • 71 % de réponses complètes (disparition endoscopique et cytologique du CIS) chez les patients traités par Anktiva + BCG.

  • Durée des réponses allant jusqu’à plus de 54 mois, avec une durée moyenne d’environ 27 mois.

  • Parmi les répondeurs, 66 % restent en réponse complète à 12 mois et 42 % à 24 mois.

Côté tolérance :

  • Effets indésirables surtout locaux (dysurie, pollakiurie, hématurie, urgenturie), similaires à ceux du BCG seul.

  • 3 % de toxicités liées au traitement de grade 3, aucune de grade 4 ou 5 rapportée dans l’analyse présentée.

Ces données suggèrent qu’Anktiva + BCG pourrait offrir à de nombreux patients un contrôle durable du cancer de la vessie non invasif, en retardant — voire évitant — une cystectomie.

Qu’est-ce qu’une autorisation conditionnelle de l’EMA ?

L’EMA a opté pour une autorisation de mise sur le marché conditionnelle. Ce statut permet de mettre plus tôt à disposition des patients des médicaments destinés à des maladies graves pour lesquelles les options sont limitées, à condition que :

  • le bénéfice clinique immédiat soit jugé supérieur aux incertitudes,

  • le laboratoire s’engage à fournir des données complémentaires (suivi prolongé, nouvelles analyses, éventuellement essais contrôlés).

Dans le cas d’Anktiva, ImmunityBio devra transmettre régulièrement à l’EMA des données de suivi à long terme sur l’efficacité et la sécurité, issues de QUILT-3.032 et d’autres programmes.

Pour les cliniciens, cela signifie que le médicament sera disponible dans l’UE une fois la décision finale de la Commission européenne publiée, mais dans un cadre de surveillance renforcée.

Quels enjeux pour la pratique urologique au Maroc ?

Même si la recommandation concerne d’abord l’Union européenne, cette avancée en cancer de la vessie non invasif intéresse directement les urologues du Maroc et de la région MENA :

  • Elle confirme la validité du concept “BCG + immunomodulation” pour les patients BCG-unresponsive.

  • Elle ouvre la voie à de futurs protocoles inspirés d’Anktiva, dès que des autorisations ou accès compassionnels seront envisageables dans les pays hors UE.

  • Elle renforce le rôle des RCP onco-urologiques pour décider du bon timing entre intensification intravésicale, essais cliniques et cystectomie.

Pour les patients, le message est double :

  1. le cancer de la vessie non invasif reste une maladie sérieuse qui nécessite un suivi rapproché,

  2. mais la recherche avance vite et propose désormais des armes plus fines que la seule chirurgie radicale.

À retenir pour les patients et leurs proches

  • Un nouveau traitement intravésical, Anktiva + BCG, vient d’être recommandé en Europe pour certains cancers de la vessie non invasifs résistants au BCG.

  • Les premiers résultats montrent un taux élevé de disparition de la tumeur et des réponses souvent durables.

  • Il ne s’agit pas encore d’un standard mondial : son utilisation reste encadrée et nécessite une discussion individualisée avec l’urologue, en fonction de l’accès au médicament, du profil de risque et de l’état général du patient.

Cet article est informatif et ne remplace pas une consultation médicale. Toute décision thérapeutique doit être prise avec une équipe spécialisée en onco-urologie.

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Urologue Maroc : et si le virus BK préparait le terrain au cancer de la vessie ?